Les
personnages
- Bérenger : il boit, il a tendance à se négliger, il n’a pas beaucoup de volonté, il est paresseux. Il y a chez lui quelque chose qui ne va pas.
- Botard, l’instituteur en retraite (fier)
- Monsieur Jean
- Daisy : elle travaille dans le même bureau que Bérenger ; elle va tomber amoureuse de Bérenger
- Monsieur Papillon, le chef de service
- Dudard, le sous-chef du bureau)
- Jean : il est très soigneux, un peu prétentieux, très consciencieux
- La Ménagère : elle est douce, belle, gentille mais inaccessible
- La Serveuse
- L'Épicier
- Le Vieux Monsieur : il est naïf, sous l’emprise de la « soit disant logique » du logicien
- L'Épicière
- Madame Bœuf : c'est une grosse femme
- Un Pompier
- Le Logicien, pseudo-logicien : c'est un imposteur, menteur et est tout sauf logique
- La femme de Monsieur Jean
- Plusieurs têtes de rhinocéros
Résumé
Acte
Premier
L'acte
premier débute un dimanche matin dans une petite ville
tranquille, .
Deux
hommes, Bérenger, un employé de bureau timide et velléitaire, et
son ami Jean, personnage fier de sa personne (soigneux, obligeant)
sont à la terrasse d'un café. Bérenger est arrivé au retard.
Jean lui reproche son manque de personnalité (il veut boire le
matin, il est fatigué, il boit de l’alcool tous les jours, il n'a
pas de cravate, il est décoiffé, pas rasé). Bérenger se défend à
peine.
Soudain
un rhinocéros traverse la grande place bruyamment. Les
habitants du quartier (une ménagère, un vieux monsieur, un
logicien, le patron du café, la serveuse…) ont suivi sa course
et, interloqués, commentent le passage de l'animal. Les
rhinocéros en liberté provoquent tout d'abord l'étonnement et
choquent les personnages. Jean ne parvient pas à croire si ce qu'il
a vu était réel, il énonce même clairement « cela ne
devrait pas exister ».
Bérenger
aperçoit alors la jeune Daisy, une de ses collègues de bureau, dont
il est amoureux. Mais il est trop timide pour lui déclarer sa
flamme. Il éprouve aussi un complexe d’infériorité vis-à-vis de
Dudard, un autre collègue, avec lequel il ne s’estime pas en
mesure de rivaliser. Jean lui conseille alors de se cultiver et de
laisser son côté festif pour se consacrer à son apparence.
A
une table voisine, un vieux monsieur discute avec un logicien. Ce
dernier lui explique ce qu’est un syllogisme : « Tous
les chats sont mortels. Socrate est mortel. Donc Socrate est un
chat ».
Alors
apparaît, toujours aussi bruyamment, mais en sens inverse, un second
rhinocéros. La serveuse laisse tomber son plateau, et la ménagère
apparaît effondrée, en tenant dans ses bras son chat que le
rhinocéros a écrasé. Le patron de l'épicerie jette un cri de
fureur (révolutionnaire) en voyant la ménagère partir avec son
chat écrasé « Nous ne pouvons pas nous permettre que nos
chats soient écrasés par des rhinocéros ou par n'importe quoi ! »
Une
discussion futile s’engage entre Jean et Bérenger. Ils se posent
trois questions : Etait-ce le même rhinocéros ? Avait-il
une ou deux cornes ? Était-ce un rhinocéros d’Asie ou d’Afrique ?
Le ton monte, les deux amis se disputent. Finalement, Jean s’en va,
furieux car pour lui il a toujours raison. Le logicien y va de son
commentaire : « il
se peut que depuis tout à l’heure le rhinocéros ait perdu une de
ses cornes ». Bérenger
regrette de s’être disputé avec Jean.
Comme
à la montée de chaque mouvement politique extrémiste et
totalitaire, les gens sont tout d'abord effrayés. Puis ils
retournent à leur occupation. Il ressort bien qu’un phénomène
minoritaire de ce type entraîne l’incrédulité des habitants qui
le rejettent dans un premier temps.
Acte
Deuxième
Premier
tableau
Le
lendemain matin, dans le bureau où travaille Bérenger, sont
présents Daisy, Botard, Dudard, et Monsieur Papillon. M. Bœuf, l’un
des employés est absent. Tout le monde, incrédule, commente ce qui
s’est passé la veille.
C’est
là que l'on relève les premières oppositions clairement marquées :
selon Botard c'est « une histoire à dormir debout ! »,
« c'est une machination infâme », « des
rhinocéros, dans le pays, cela ne s’est jamais vu », «c’est
votre propagande qui fait courir ces bruits ». Ce dernier ne
veut pas croire en la réalité de la « rhinocérite »
(comme certains ont pu nier la montée des extrêmes). Les
journalistes sont des menteurs pour lui. Ce n’est pas une histoire
de racisme. Mais pourtant lui aussi va se transformer en rhinocéros
malgré ses préjugés, montrant ainsi que même les plus résistants
peuvent être dupés par les beaux discours de la dictature.
Soudain
apparaît Mme Bœuf, hébétée. Elle dit que son mari est parti et
qu’il sera de retour sous peu. En venant au bureau, elle a été
pourchassée par un rhinocéros. Botard ne veut pas voir ce
rhinocéros. Celui-ci a démoli l’escalier et ils sont bloqués.
Mme Bœuf reconnaît son mari dans le rhinocéros. Elle s'évanouit.
On s'affaire pour la ranimer. Revenue à elle, elle s’enfuit en
grimpant sur le dos du rhinocéros. Les autres appellent les pompiers
qui les font descendre par une grande échelle posée contre la
fenêtre. Dudard donne un rendez-vous à Bérenger.
Deuxième
tableau
Bérenger
rend visite à son ami Jean. Bérenger s’excuse de la dispute de la
veille et devient compatissant et compréhensif, comme un ami motivé
à changer et fidèle. Il conforte Jean dans son changement, son
attitude et son inquiétude, et le relativise tout en le
complimentant. Mais ses nerfs seront mis à rude épreuve : ce
dernier est souffrant (malaise) mais il n’y croit pas (« j’ai
un équilibre parfait »).
Jean
et sa personnalité se révèlent. Il devient dangereux, méchant,
dépressif, raciste, hypocrite, agressif, de mauvaises fois,
hautaines, prétentieuses, égocentriques, susceptibles, méprisantes,
puissantes et pessimistes. Autant dans son comportement, sa façon
d’être, que dans sa façon de penser. On assiste en effet à sa
métamorphose physique et morale et à la progression de la maladie
dont il est atteint : la rhinocérite. Elle se caractérise par une
bosse qui apparaît sur son front jusqu’à devenir corne ; à un
teint verdâtre, inquiétant et peu commun ; à une respiration
bruyante ; à une voix rauque : aux veines qui se gonflent et
deviennent saillantes ; à des bruitages, barrissements et
grognements ; et à un comportement violent et agressif, ainsi
qu’animal et sauvage, accompagné d’idées racistes et
antisémites. Si cultivé et si littéraire qu’il est, il proclame
néanmoins alors que l’humanisme est périmé. On se dit alors que
cela n’arrive « qu’aux autres », et surtout à Mr Bœuf, qui
apparaît à l’acte II en rhinocéros. On peut suivre dans le
regard de Bérenger que tous les habitants (tout comme Jean) se
transforment en rhinocéros. Bérenger assiste alors à la
métamorphose de celui qu’il admire le plus au monde : son
meilleur ami.
A
ce moment-là, c’est quelque chose d’anormal pour le héros
principal, et l’impassibilité des habitants le choque. Les
habitants de la ville sont de plus en plus nombreux à se
métamorphoser en rhinocéros.
L’auteur
souligne donc bien la capacité d’un tel phénomène à rallier des
gens différents autour d’un thème central, les manipulant en
profitant des frustrations et déceptions de chacun. Là est le point
fort du nazisme. En effet, une idéologie peut atteindre tout le
monde, et même le meilleur des hommes. Ce changement est si brutal
en lui-même que le lecteur ne s’attendait pas à ce que Jean fasse
les frais de cette « maladie ». Cela prouve alors que seule l’âme
la plus pure échappera au racisme et au nazisme, et ne deviendra pas
ce monstre qui en est l’emblème. Tous ne croyaient pas en la
réalité de la rhinocérite, comme certains ont pu nier la montée
du nazisme.
Acte
III
Bérenger
est allongé sur le divan de sa chambre. Les rhinocéros continuent
leur vacarme dans la rue. Il a un bandeau autour de la tête. Il
tousse lui aussi, mais lutte pour résister à la maladie et
s’autopersuade. Dudard, son collègue vient prendre de ses
nouvelles. Ils discutent de ce curieux phénomène. Bérenger est le
seul à réagir humainement et D’ordinaire si apathique il ne
trouve pas cela normal. Il s'affole et se révolte contre la
"rhinocérite". Dudard au contraire minimise la situation :
si épidémie il y a, elle n'est pas mortelle. De plus Jean était
orgueilleux. Ensuite, Dudard informe Bérenger que leur chef, M.
Papillon, s’est lui aussi transformé en rhinocéros. Bérenger est
indigné : « Il avait le devoir de ne pas succomber ». Dudard
reproche à son collègue son intolérance et lui demande de faire
preuve de compréhension. Pour Dudard, il n’y a pas de limite entre
la normalité et l’anormalité. Ensuite, Bérenger propose d’aller
chercher le Logicien pour qu’il controverse avec Dudard mais il
s’est aussi transformé en rhinocéros.
Daisy
entrera alors en scène, un panier sous le bras. Elle se montre
surprise de la contrariété de Bérenger. Elle lui apprend que
Botard est lui aussi devenu rhinocéros. Il a même déclaré : «Il
faut suivre son temps. » Daisy a apporté de quoi déjeuner, bien
qu’il ne soit pas facile de trouver des provisions. Elle déclenche
un véritable amour auprès de Dudard, qui jalousera et provoquera
Bérenger. Il deviendra romantique, dragueur et amoureux et malgré
les invitations à reste, il s’enfuit en constatant que seul
Bérenger intéresse Daisy, et préfère retrouver le troupeau de
rhinocéros car il minimise la chose puis devient rhinocéros car son
devoir est « de suivre ses chefs et ses camarades, pour le
meilleur et pour le pire ».
Daisy
et Bérenger restent seuls. Bérenger serre Daisy dans ses bras. Ils
font des projets et vive une histoire d’amour accéléré. Bérenger
sera alors confronté à une véritable crise de folie que seule
Daisy saura calmer et apaiser. Mais le téléphone sonne. On entend
des barrissements. Bérenger se précipite vers son poste de radio.
On ne parle que de ça. Et Ils referont le monde à leur façon, et
apporteront autant de contradictions qui les éloigneront l’un de
l’autre. Daisy s’enfuira alors devant l’objectif que Bérenger
voulait atteindre (régénérer l’humanité) car elle refuse de
sauver le monde et finalement rejoint les rhinocéros qu'elle trouve
soudainement beaux, dont elle admire l'ardeur et l'énergie : « Que
veux-tu qu'on y fasse ? Il faut être raisonnable, tâcher de
s'entendre avec eux ».
Le
nouveau Bérenger courageux, motivé et héroïque se rendra coupable
de la transformation de la ville en rhinocéros, devant
l’omniprésence et l’obsession de Daisy. Il se retrouvera alors
tout seul, et craquera dans une paranoïa aiguë, qu’un monologue
entraînera. Il se pose beaucoup de questions sur le sens de ce qu’il
fit. Puis Il criera qu’« ils ne l’auront pas », et cédera à
la culpabilité qui le rongera, malgré son enthousiasme à se
convaincre que la nature humaine est belle (« Un homme n’est pas
laid ! ») Il se traitera de monstre et se persuadera de son mauvais
comportement en refusant de céder à la mutation. Il hésite un
instant se demandant s’il ne doit pas lui aussi les suivre Il aura
mauvaise conscience et particulièrement honte. Puis, ses derniers
traits humains révèleront qu’il ne capitulera pas.
Métaphore
des systèmes totalitaires et des idéologies émergentes, le
rhinocéros est en quelque sorte un témoignage du comportement
humain face à un mouvement extrémiste : la peur, le rejet puis
l’habitude, la passivité, et enfin la conversion de tout un chacun
qui s’y retrouve et peut y exprimer ses frustrations profondes. Ce
livre est aussi « une démonstration du conditionnement inhérent à
la condition humaine et de la solitude de l’homme lucide. »