Lecture analytique de Métamorphose, livre I, Iignes 127-145 d’Ovide


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Introduction : Avocat et poète romain qui a vécu entre le Ier siècle avant et après J.-C., Ovide est un proche d’Auguste. Il écrit des ouvrages poétiques sur l’amour tels que L’Art D’aimer ou Les Héroïdes. Mais il commet la disgrâce et est exilé au Pont-Euxin. Cet exil constitue une rupture dans son existence  et dans sa poésie qui devient plus personnelle avec un lyrisme plus élégiaque comme dans les Tristes et les Pontiques. Ovide est également passionné par la mythologie, il a notamment rédigé les Métamorphoses, constitué de 15 livres  et écrit en hexamètres dactyliques. Ce long poème reprend de nombreux mythes sur l'origine du monde et autres légendes mais également le mythe des cinq races d’Hésiode qui devient chez Ovide, le mythe des 4 Ages. Le texte étudié, des vers 127 et 145, est extrait du livre 1 des Métamorphoses. Ovide s’intéresse à l’âge de fer, le dernier âge de l’époque contemporaine.

Comment Ovide décrit-il l’âge de fer et quelle vision de l’histoire en découle ?

I. Ovide décrit l’âge de fer en s’opposant systématiquement à l’âge d’or

D’abord, Ovide caractérise l’âge de fer en l’opposant à l’âge d’or. L’utilisation de l’âge d’or lui permet de mettre en évidence les défauts de l’âge de fer. On retrouve ainsi une série d’antithèses.

Du vers 3 à 5, on retrouve une antithèse qui oppose les vertus de l’âge d’or « pudor verumque fidesque » (vers 3) et les vices de l’âge de fer « fraudesque dolique Insidiaeque et vis et amor sceleratus habendi » (vers 4-5). L’accumulation d’adjectifs négatifs donne l’impression d’une l’invasion du mal qui submerge le bien. Les valeurs de l’âge d’or représentant le bien et les valeurs de l’âge de fer représentant le mal. Ovide joue sur l’accumulation avec la dissymétrie sur le nombre d’adjectifs (3 vertus qui s’opposent à 5 vices) ce qui illustre la submersion des vertus par la dépravation. D’autant plus que ces vertues constituent le « mos majorum » → l’idéal de l’ancien romain. Les verbes « subiere », « fugere », « irrupit » miment le mouvement des vertus qui disparaissent et les dépravations qui s’insinuent. Cela est accentué par la répétition du –que/et qui alourdit la phrase. Cette première antithèse dépeint donc l’âge de fer comme un âge de dégradation morale.

Du vers 6 au vers 14, on a des oppositions mettent en lumière une transformation négative dans le rapport des hommes avec la nature. On retrouve une Ier antithèse aux 6 à 8, avec l’apparition de la navigation « carinae » qui sous-entend une bonne situation économique avec le commerce. Cependant, dans la deuxième partie du passage, la relative « in montibus altis » qui renvoit à l’âge ancien s’oppose à « Fluctibus ignotis» qui renvoir à l’âge de fer. De plus, il y a une opposition entre la verticalité et la stabilité du « steterant in montibus altis » et l’horizontalité et l’instabilité du « fluctibus ignotis insultavere ». Cela est soulignée par un chiasme « steterant » « montibus altis », « fluctibus ignotis » et « insultavere ». Là encore il y a l’idée d’une évolution négative vers un monde dangereux.

Les  vers 9 à 10 décrivent la naissance de la propriété liée à l’agriculture. Dans ces vers, l’antithèse oppose la liberté « humum Communemque prius » à la propriété « longo limite ».  De plus, par la comparaison, « ceu lumina solis et auras », la Terre est comparée au soleil et au vent ce qui met en évidence le fait que la Terre est un élément et que tous les éléments appartiennent légitimement à tous les hommes. L’image de la blessure infligée à la terre par le « cautus mensor » fait ressortir l’illégitimité de la propriété de la Terre.

Des vers 11 à 14, on l’apparition de la metallurgie avec la création des mines, d’où une dégradation plus explicite avec «  nec tantum », « sed » qui articule l’antithèse et qui contient l’idée d’exagération et d’accès. Le motif de la dissimulation qui s’oppose à l’extraction est illustré avec les verbes « effodiuntur » « admoverat » et « recondiderat ». Avec la personnification « itum est in viscera terrae » on a l’image du viol avec des hommes qui cherchent à accéder à des espaces réservés, voire même une image du sacrilège puisqu’ils accèdent à des domaines sacrés pour trouver des richesses. Les deux derniers mots du passsage « irritamanta malorum » sont mis en valeur à la fin du vers qui contient le jugement négatif sur l’activité minière : on a une dégradation dans le mode de vie des hommes qui s’éloigne de la nature.

La 3ème antithèse se situe des vers 15 à 19.
Des vers 15 à 17, on a une opposition sur les plans politiques et sociaux. Ce passage montre l’apparition de la guerre et l’ouverture sur l’extérieur. Le verbe « prodeo » utiliser 2 fois nous montre que la guerre n’existait pas  et que la paix régnait durant l’âge d’or. L’horreur de la guerre est soulignée à la fois sur les plans à la fois visuel, par l’image effrayante « sanguinea manu », et sonore avec le « crepitantia arma ».
Finalement des vers 18 et 19, on a l’apparition de la discorde entre les citoyens et même entre les membres de la même famille. L’opposition entre l’âge d’or et celle de fer est montré par la polyptote « hospes »et « hospite » qui montre le caractère choquant de l’irrespect de l’autre. Cela est accentué avec l’utilisation du « ab » qui sépare des termes identiques. De plus la répétition de l’adverbe « non » souligne une négation de l’ordre morale en vigueur pendant l’âge d’or.

L’âge de fer est donc caractérisé par rapport à l’âge d’or avec une dégradation morale, sociale, économique et politique

II. La vision de l’histoire

1. Une vision pessimiste

Dès le début, le texte contient un lexique péjoratif : « duro » (vers 1) ; « pejoris » (vers 2) ; « omne nefas » (vers 3), ce dernier est mis en valeur par l’enjambement du vers 2. Puis ce lexique réapparait avec « nocens » et « nocentius » (vers 15).

2. La négation du progrès

D’après les philosophes des lumières, l’avancée technique permettrait un progrès économique, qui lui-même permettrait un progrès moral.
Mais les connecteurs « Nec tantum sed » (vers 11) ; « Jamque » (vers 15) mettent en évidence le lien entre l’avancée technique et la dégradation morale. Plus on avance dans le texte, plus le progrès technique est associé au lexique de la violence qui va crescendo : « insultavere » (vers 8) ; « signavit » (vers 10) : « itum est in viscera terrae » (vers 12) et enfin par la guerre qui est personnifiée sous des traits qui la font apparaitre comme une puissance monstrueuse et effrayante (vers 16 à 19). Ces progrès techniques qui auraient dû permettre une amélioration, vont conduire l’humanité à la barbarie.

Conclusion : L’image de l’âge de fer est, comme chez Hésiode, une image sombre. Cependant, on a également une surenchère de la part d’Ovide par rapport à Hésiode puisque l’avancée des hommes et des techniques est responsable de leur propre dégradation ; Il s’agit d’une surenchère, non liée à l’Histoire. En effet Ovide a vécu dans un moment de prospérité avec Auguste qui restaura la morale traditionnelle et qui fixa les frontières en limitant les conquêtes. 

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