Lecture analytique de Géorgiques, I, vers 125 à 146, de Virgile

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Introduction : Virgile (70 – 19 av J-C) est un auteur romain qui a écrit l'Énéide, les Bucoliques et les Géorgiques. Ce dernier est un poème didactique qui traite des différentes activités agricoles : la culture, l’élevage, la viticulture et l’apiculture. Il a été influencé et inspiré par Hésiode et par son œuvre les Travaux et les Jours. Comme chez Hésiode dans son ouvrage, Virgile introduit dans son poème le mythe des 5 races, qui devient le mythe des 4 âges. L’extrait étudié relate le glissement vers l’âge de fer. Virgile en donne une image originale.


Quelle est l’originalité de cette évocation de l’âge de fer ?

I. Les éléments traditionnels du mythe (vers 1 à 9)

1. L’idéalisation des âges antérieurs
On retrouve des thèmes communs avec le mythe d’Hésiode. Au vers 1 avec « nulli subigebant arva coloni » souligne l’absence de travail. Le vers 2 et 3 « ne signare quidem aut partiri limite campum fas erat : in medium quaerebant » souligne l’absence de propriété privée. L’absence de contrainte est montré par la multiplication de termes négatifs : « nulli » (vers 1) ; « ne quidem » (vers 2) ; « nullo » (vers 4). Le vers  4 met en avant abondance naturelle grâce à « omnia liberius » grâce à l’enjambement.
On retrouve bien l'idéalisation des âges antérieurs.

2. Dégradation lié à l’âge de fer
Viennent ensuite les éléments qui marquent la dégradation.

Dans « ille malum » (vers 5), le ille qui renvoie à Jupiter est tout de suite suivit par "malum", un terme à connotation péjorative. Cela donne l'impression que le mal est apporté par Jupiter.

On a également un lexique dépréciatif. Tout d’abord « virus serpentibus addidit atris
praedarique lupos jussit 
» (vers 5 à 6) met en avant les dangers provoqués par des bêtes sauvages qui dans l’imaginaire collectif suscite l’effroi. Ensuite les vers 5 à 6 « pontumque moveri » mettent en avant un monde instable. Enfin les verbes aux vers 7 à 8 : « decussit », « removit », « repressit », donne l'idée d'une privation avec les préfixes -re accentué avec le préfixe -de qui met en avant l'idée d'un recul. Cela souligne la privation de ce qui fait la douceur de la vie à savoir le miel « follis », le feu « ignem », et le vin « vina ».

Nous sommes donc dans une période de dégradation où Jupiter prive l’Homme des plaisirs. On est dans la vision traditionnelle du mythe, mais déjà on a des indices avec le rapprochement de « Ille » et de « malum ». L'indication de ce qui est considéré comme un mal ne l'est pas vraiment. En effet « Ille malum » crée un paradoxe entre le « ille » mélioratif et le « malum » péjorif.

II. Une réécriture originale qui fait de l’âge de fer, l’âge du progrès (vers 9 à 22)

1. La difficulté oblige les Hommes à exploiter leurs facultés pour dominer le monde
Ce passage à l’âge de fer est ensuite présenté comme une chance pour les hommes car la difficulté les oblige à exploiter leurs facultés pour dominer le monde. C’est la thématique qui apparait vers 9.

Tout le passage est introduit par « ut » la conjonction de subordination de but qui compense les verbes de la première partie car certes il y a des privations mais que ces dernières ont un but.

Au vers 9, « meditando » est mis en valeur par sa place au milieu du vers, il sépare deux termes « varias » et « artes » pour exprimer l’étendu de ces technique et leur diversité.
               
                Ensuite aux vers 10 à 18, on a l’énumération et développement de ces « artes » :
-          vers 10 : on a le développement des cultures et de l'agriculture
-          au vers 11 : on a la maîtrise du feu
-          au vers 12, la maîtrise de la navigation
-          des vers 13 à 14, la maîtrise de l'astronomie.
-          des vers 15 à 16, la maîtrise de la chasse
-          vers 17 à 18, la maîtrise de la pêche
-          vers 19 à 20, la maîtrise de la métallurgie

Le vers 21 « tum variae venere artes »  reprend et clôt l'énumération de ces différentes techniques.

L’anaphore du « tum » souligne l’accélération du progrès technique. Grâce aux techniques les Hommes parviennent à maitriser les 4 éléments, la terre, le feu, l’eau, l’air. On aboutit à la dernière phrase, une maxime, une sentence qui met en valeur « improbus » qui rappelle la difficulté avec l’enjambement et aussi « vicit » qui rappelle les valeurs positives de l’Age de Fer. Cela reprend l’idée majeure du passage : le passage à l’âge de fer est un mal pour un bien et permet le triomphe de l’humanité par les hommes grâce à la nécessité du manque.

2. L’âge de fer un défi pour les Hommes et pour le poète
C’est un défi à la fois pour les Hommes mais aussi pour le poète qui doit rendre agréable et montré la beauté du progrès et des techniques, qui sont assez rébarbatifs. On a donc une fusion entre des termes techniques avec des termes poétique.

On trouve comme vocabulaire technique : « sulcis » (vers 10) ; les noms des étoiles renvoient à l’astronomie « Pleiadas, Hyadas, claramque Lycaonis Arcton » (vers 14) ; « laqueis » (vers 15) ; « funda » (vers 17) ; « cuneis » (vers 20) ; « fissile lignum » (vers 20).
                Ce vocabulaire technique est lié au lexique poétique comme les noms des étoiles qui renvoient à la fois à l’astronomie et à la mythologie, vers 12 : métonymie de « aulnos » qui remplacent les bateaux et la personnification du fleuve « fluvi sensere » (vers 12) ;  Au vers 15 à  16, on a un  jeu sur les sonorités [k] rythmant le vers « laqueis captare / visco / conibus / circumdare » ; vers 17 -18. Les termes qui renvoient à l’eau appartiennent au vocabulaire poétique : « alta » (vers 18) ; « pelago » (vers 18). Au vers 19, l’allitération en « r » mime le bruit de la scie et donc souligne la rigidité du fer : « ferri rigor ».

Pour le poète l’âge de fer est l’occasion de montrer sa capacité de dégager la poétique et la technique.

3. Les Hommes parviennent à se libérer de la tutelle des Dieux
Les Hommes parviennent à se libérer de la tutelle des Dieux, celui en question dans ce texte est jupiter : « Jovem » (vers 1) et « Ille » (vers 5). Sa présence est très marquée au début du texte avec les noms placés au début des vers qui sont sujets des verbes  comme par exemple « addidit » (vers 5), « jussit » (vers 6). Cela le met en valeur et le montre comme un dieu tout puissant qui commande tous les éléments. Mais à partir de la ligne 9, Jupiter disparait et tous les sujets et les verbes renvoient aux Hommes comme par exemple : « navita tum stellis numeros et nomina fecit ».
Finalement Jupiter a décidé de laisser les Hommes maître de leur destin. Il y a donc un éloge de Jupiter, présenté comme un dieu paternel.

Conclusion : On a une réécriture qui certes reprend certains invariants du mythe notamment au début mais c’est aussi une réécriture où Virgile exprime une vision du monde originale puisque le travail devient l’occasion pour les Hommes d’exercer leur emprise sur le monde. On peut rapprocher ce texte à un courant de pensée romaine : le stoïcisme. Derrière cette réécriture, il y a également un enjeu politique dû à la fin d’une période de troubles, avec la guerre civile (-36 à -31) entre Auguste et Antoine et le principat d’Auguste. Et Virgile, protégé d’Auguste, participe à sa manière à la restauration des valeurs traditionnelles entreprit par Octave (Auguste).

3 commentaires:

  1. Un commentaire assez intéressant mais qui manque néanmoins de profondeur au niveau de l’analyse et des procédés stylistiques comme l’analyse des sons et de l’aspect de certains temps.

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