L’âge d’or
La nostalgie des origines est un thème commun à la plupart
des cultures : l'idée d'une déchéance progressive de l'humanité, du plus pur
bonheur à la souffrance et aux contraintes, est illustrée par de nombreux
mythes.
Hésiode et les cinq « races »
À la
fin du VIII e siècle av. J. -c., le grec Hésiode, dans les Travaux et les
jours, raconte deux mythes. Dans le premier, Prométhée vole le feu aux
Dieux pour le donner aux hommes, et permettre ainsi la naissance d'une
civilisation d'être libres. Le second mythe raconte comment se sont succédé
cinq « races » d'hommes.
D'abord,
Cronos, dieu du Temps, permit à l'humanité un parfait bonheur libre de tout
souci, dans une nature qui, d'elle-même, offrait tous ses trésors. Cette « rac d'or » s'éteignit (sans que le
poète nous dise pourquoi), et succéda une « race d'argent» où l'on vivait très vieux, mais où les cœurs humains
étaient travaillés par la « démesure » funeste volonté de puissance et
de possession. Alors Zeus détrôna son père Cronos et créa la « race de bronze », qui vit les hommes
s'entretuer jusqu'au dernier. Ensuite, Zeus fit naître ensuite la « race des héros ». Finalement, il y
eu l'apparition de la « race de fer »,
soumise à l'obligation de travailler, aux angoisses du vieillissement et aux
incertitudes de l'avenir.
Depuis
les Grecs et les Romains, nous sommes dans l’attente de la « sixième race »
qu'annonce Hésiode, au cours de laquelle un violent désordre de toutes les
valeurs morales détruira l'humanité.
Des « races» aux « âges »
Ces
deux mythes furent repris et commentés par les auteurs grecs (Platon). Mais le
pessimisme du « mythe des races »
intéressa particulièrement les Romains, qui traduisirent genos par aetas
ou saeculum, de
sorte que le mythe des races devint le « mythe
des âges ».
Cette
succession peut se lire comme une histoire symbolique de la civilisation dont
la première et la dernière étape sont les plus intéressantes aux yeux des
Romains de l'époque d'Auguste, comme
Virgile ou Ovide: au bout des guerres civiles et des malheurs, il se peut que
dans une conception cyclique du temps, renaisse l'âge d'or (qui aurait pu être celui
de la paix d'Auguste).
Le paradis perdu ?
L'âge d'or fait penser au Paradis de la tradition
judéo-chrétienne. Mais le Paradis n'abrite qu'Adam et Ève qui en sont chassés
par leur faute. Cette idée d'un « péché originel est étrangère à la pensée
gréco-romaine. Néanmoins, les imaginaires de l'âge d'or et du Paradis avaient
vocation à se mêler pour représenter une parfaite félicité dans une nature généreuse
et pacifique.
Les « races » d'Hésiode
Cette traduction respecte et
restitue la solennité un peu lourde des vers d'Hésiode, poète archaïque dont le
style rappelle celui des poèmes homériques.
D’or fut la première race d'hommes
périssables que créèrent les Immortels (temps de Cronos) Ils vivaient
comme des dieux, le cœur libre de soucis, à l'écart et à l'abri des peines et
des misères : la vieillesse misérable sur eux ne pesait. Tous biens étaient
à eux: le sol fécond produisait une abondante et généreuse récolte, et eux,
dans la joie et la paix, vivaient de leurs champs, au milieu de biens
sans nombre. [...]
Puis une race bien inférieure,
une race d'argent, fut créée encore par les habitants de l'Olympe. Ils ne
ressemblaient pas à ceux de la race d'or. L'enfant, pendant cent ans,
grandissait en jouant aux côtés de sa digne mère, l'âme toute puérile, dans sa
maison. Et quand ils atteignaient l’âge de l'adolescence, ils vivaient peu de
temps, et, par leur folie, souffraient mille peines. Ils ne savaient pas
s'abstenir d'une folle démesure. Ils refusaient d'offrir un culte aux Immortels
ou de sacrifier aux saints autels des Bienheureux. [...]
Et Zeus créa une troisième race
d'hommes périssables, la race de bronze, bien différente de la race d’argent. Ceux-là
ne songeaient qu'aux travaux gémissants d'Arès et aux œuvres de démesure. Ils
ne mangeaient pas le pain; leur cœur était comme l'acier rigide; ils
terrifiaient. Puissante était leur force. Le bronze était leur matière
principale car le fer noir n'existait pas. [...]
Zeus en créa une quatrième, une
race divine des héros que l'on nomme demi-dieux et dont la génération nous a
précédés. [...]
Maintenant est la race du fer.
Ils ne cesseront de souffrir fatigues et misères, d'être consumés par les dures
angoisses. Ils trouveront bien quelques biens mêlés à leurs maux. Mais Zeus
anéantira à son tour cette race d'hommes périssables...
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