I. L'argumentation
1. Définition
Argumenter, c'est organiser une stratégie
pour amener un interlocuteur à adopter la thèse que l'on soutient; pour cela ,on
choisit des idées ou arguments qui permettent de construire un raisonnement
cohérent. Un argument est une idée qui, selon la façon dont elle est présentée,
vient appuyer ou réfuter une thèse.
2. Les différentes visées
a) convaincre : par
des arguments acceptables fondés sur des faits avérés (raison d'un auditoire
universel).
b) persuader : par
un discours qui fait appel aux sentiments.
c) délibérer : pour
résoudre un problème en confrontant des points de vue opposés.
3. Les types de raisonnement
a) l'argumentation indirecte : l'auteur
passe par la médiation de la fiction pour transmettre sa thèse, il ne s'exprime
pas en son propre nom, mais par l'intermédiaire de personnages grâce au procédé
de la double énonciation.
b) l'argumentation indirecte : l'auteur
assume son opinion en son nom propre, il emploie dans ce cas le plus souvent la
première personne du singulier.
4. Les formes de raisonnement (stratégies)
a) le raisonnement par induction : part
de cas particulier pour parvenir à une idée générale.
b) le raisonnement par déduction :
partir d'idées générales pour aboutir à une conclusion particulière.
Exemple : le syllogisme (les hommes sont
mortels, Socrate est un homme, donc Socrate est mortel.
c) la concession : consiste à
accepter une partie de la thèse de l'adversaire pour donner davantage de force
aux réfutations, aux objections et à sa propre thèse.
d) la réfutation : apporte
un argument contraire aux arguments adverses.
e) le raisonnement par l'absurde : montre
la fausseté d'une thèse en présentant les conséquences dépourvues de sens auxquelles
elle conduirait. La visée est alors polémique.
5. Les procédés de l'argumentation
a) la question rhétorique : elle
contient sa réponse ou dont la réponse est évidente.
b) la tournure interronégative :
elle conduit l'auditeur ou le lecteur à acquiescer par défaut.
c) une ponctuation : qui restitue
la vivacité de la parole orale.
d) l'impératif : à
valeur de conseil: vise à gagner la confiance du destinataire.
d) l'argument d'autorité : consiste
à invoquer la référence d'un auteur, d'une personnalité respectée ou d'un fait
historique pour justifier sa thèse, de sorte qu'elle ne puisse être contestée.
J) la modélisation : désigne
tout procédé marquant la subjectivité du locuteur.
g) l'antithèse : dénonce
les situations iniques, les injustices.
e) le parallélisme
: il met en balance deux éléments entre lesquels le destinataire doit choisir.
Celui qui est censé retenir son attention est souvent en deuxième position, car
c'est celui qui laisse une dernière impression.
d) l'exemple pathétique : vise
à apitoyer le destinataire en jouant sur sa sensibilité.
II. Support de l'argumentation
1. L'essai : il permet au corpus de
développer un point de vue personnel de manière organisée. Il vise avant tout à
convaincre en construisant une argumentation rigoureuse. Mais l'auteur peut
aussi chercher à séduire, à persuader en utilisant des registres variés.
Exemple: Montaigne dans
Essais. « Des Cannibales» élabore un raisonnement par analogie, mais s’exprime
souvent avec humour. Il parvient à retourner la thèse ethnocentrique et va même
à affirmer la supériorité du Sauvage sur l 'Homme civilisé.
2. Le discours : est le genre issu
de la rhétorique antique. Il se caractérise par sa destination orale, son
caractère public, l'emploi de procédés d'écriture nombreux et marquants. Le
discours permet d'émouvoir l'auditoire, de toucher directement sa sensibilité.
Il s'appuie sur l'art de persuader.
Exemple: Diderot, dans
Supplément au voyage de Bougainville, renvoie aux Européens une image très
dévalorisante à travers ce discours : ils apparaissent comme des barbares.
L'auteur utilise ici le procédé du regard étranger pour contraindre ses
lecteurs à se voir à travers le regard de l'autre. Ainsi la découverte du
Nouveau Monde amène les Européens non seulement à revoir l'image qu'ils ont de
l'Autre, mais aussi celle qu'ils d'eux-mêmes.
3. Le dialogue délibératif : né en
Grèce avec Platon (IVème
siècle av. J.-C.) retranscrit l'enseignement oral donné par Socrate. Le
dialogue utilise le discours direct, il permet de confronter des thèses
opposées de manière vivante en les faisant défendre par des personnes.
a) le dialogue didactique : l'un
des deux interlocuteurs explique à l'autre une notion ou un point de vue. Le
lecteur est invité à s'identifier à l'élève. Le dialogue didactique vide à
convaincre en proposant des raisonnements clairs et accessibles au plus grand
nombre.
Exemple: Fontenelle,
Entretien sur la pluralité des Mondes. La référence à la découverte du Nouveau
Monde donne à ce texte l'essentiel de son efficacité argumentatif, car elle
permet de construire un raisonnement convaincant, de construire un discours
persuasif en jouant sur les points de vue.
b) le dialogue polémique : les
deux points de vue s'opposent nettement par leur contenu et souvent aussi, par
la manière dont ils sont présentés; l’auteur, la plupart du temps, s'identifie
à l'un des deux personnages et l'utilise pour exprimer son point de vue.
Exemple : Jean-Claude
Carrière, La controverse de Valladolid (chapitre 7). On retrouve deux stratégies argumentatives : celle
de Sépulvéda : autorité, dépréciation systématique, analogie rapide et
généralisation, ethnocentriste ; celle de Las Casas: prise en compte de la
parole de l'autre, relativisme, mise en évidence des contradictions, humanisme
bienveillant.
4. L'apologue est un court récit de
fiction en prose visant à faire émerger un enseignement, voire une morale, par
le biais de l'allégorie. En vers, en prose, divertissante ou « pédagogique »,
elle adopte des formes et des tons divers tout en restant fidèle à sa triple
vocation: texte narratif (elle raconte une histoire), argumentatif (elle entend
nous convaincre ou nous persuader) et poétique (elle invente un langage
nouveau, un travail rimé proche de la parole orale)
a) la fable : intimement
liée à l'éducation, à l'enseignement, la fable est un récit fictif qui relate
des expériences, confronte des points de vue, sans donner de leçon définitive.
Ce qui fait l'intérêt de ces textes est que la participation active du lecteur
est sollicitée, il doit construire le sens lui-même, voire dans un débat. Les
fables appellent le commentaire collectif.
Exemple: Jean de La
Fontaine, Le Loup et l'Agneau. Le fabuliste cherche à faire comprendre que la justice
est injuste, infondée qui se base sur des suppositions des paroles qui prennent
valeur grâce au statut de celui qui les prononce (le Loup)
b) les maximes sont
des formules très rapides énonçant une règle morale ou une réflexion d'ordre
général.
Exemple : La Rochefoucauld,
Réflexions ou sentences et maximes morales
c) le conte philosophique est
une histoire fictive, qui s'inspire de la structure d'un conte, dans le but de
se soustraire à la censure, tout en restant compréhensible.
Exemple : Voltaire, Candide.
Voltaire entreprend de dénoncer la philosophie optimiste de l'allemand Leibniz
pour qui « tout est au mieux dans
le meilleur des mondes possibles ». Dans Candide, cette théorie est défendue
par Pangloss, le maître de Candide, un jeune homme naïf confronté à une série
d'épreuves qui lui révèlent les tristes réalités du monde.
5. Le roman n'est pas un genre
argumentatif, cependant il peut servir de support à l'argumentation. Les idées
sont véhiculées par des personnages qui peuvent défendre directement (dialogue,
monologue intérieur…) ou indirectement un point de vue. La réflexion est amenée
par l'action ou la description. Grâce au jeu des focalisations, notamment à la
focalisation interne, le lecteur est invité à s'identifier aux personnages.
Exemple : Tournier, Vendredi
ou les Limbes du Pacifique. Robinson porte un regard critique sur les Européens
qui sont pour lui des barbares dépourvus de morale. En effet, il constate de
grandes différences entre leur intérêt personnel porté sur la recherche de
profils et son intérêt pour la nature: il n'est plus
Européen, il a été transformé par la vie
sauvage.