Beaumarchais, né en 1732 et mort en 1799, est un
dramaturge du XVIIIème siècle. Bien qu’il ne soit pas un philosophe,
il est associé au mouvement des Lumières avec lesquels il partagent leurs
préoccupations et leurs valeurs. Le mariage de Figaro est le deuxième volet
d’une trilogie, composé également de Le Barbier de Séville, le premier volet et
La Mère Coupable, le troisième volet. Cette pièce a été jouée pour la première
fois en 1784. Dans l’acte I, nous avons appris que Figaro, le valet du comte,
veut épouser Suzanne, la servante de la comtesse, mais le Comte Almaviva cherche
à séduire cette dernière et à profiter de son droit seigneurial qu’il avait
abolit. Nous avons aussi appris que le page Chérubin, le filleul de la
comtesse, amoureuse de cette dernière. Si tous les personnages sont apparu, la
comtesse n’est apparu que brièvement et à la fin de l’acte I, le spectateur ne
possède que peu d’information sur elle. La scène 1 de l’acte II va nous
permettre de découvrir la comtesse grâce à un dialogue intime avec Suzanne. Que
nous apprend cette scène sur la Comtesse et sur sa relation avec Suzanne ? Pour répondre à cette question nous
allons voir dans la première partie le portrait psychologique de la Comtesse
puis nous nous intéresserons au duo entre la comtesse et Suzanne.
I.
Le portrait psychologique de la
Comtesse
1.
Femme
troublée
Tout d’abord son agitation est souligné par les didascalies
qui nous indiquent des mouvements vif et contradictoires : « se jette dans la bergère » ligne 1,
« se lève et se promène »
ligne 32, « Elle s'assied »
ligne 51.
Cette agitation est également mis en évidence avec le
participe présent : « rêvant » qui
souligne les pauses et méditations de la comtesse ; avec la réplique de Suzanne
doublée de la didascalie : « C'est
que Madame parle et marche avec action / Elle
va ouvrir la croisée du fond. ».
L’énonciation révèle aussi
son agitation avec les phrases exclamatives « Ah! je l'ai trop aimé ! », avec les phrases interrogatives « Quoi, Suzon, il voulait te séduire ? »,
avec les points de suspension « Laissons...
laissons ces folies... », avec les interjections « Eh bien, Suzon ? ».
Nous
remarquons une variation du comportement de la comtesse. Jusqu’à la ligne 20, elle est
étonnée : « Quoi Suzon »,
« Est-ce que j’ai cet air-là, Suzon ? »,
« Mon Ruban ? ».
De la ligne 20 à 29, son étonnement se transforme en rêverie amoureuse car
elle est flattée par les faits relatés par Suzanne, cette rêverie est montrée
avec les didascalies : « souriant »,
« rêvant ».
Mais des lignes 29-45, son vraie ressentit, celui de la souffrance d’être
une épouse délaissée fait surface et est marquée par l’utilisation de
nombreuses exclamation : « Ah je
l’ai trop aimé ! », « Les
hommes sont biens coupables ».
En effet, son trouble est lié, d’une part, à son mari.
2.
Femmes
trompée : colère amertume
La Comtesse est bien plus blessée par
l'attitude de son mari qu'elle ne veut bien l'admettre devant Suzanne par
fierté et pudeur, elle se trahit néanmoins en l'espace d'un instant avec les
didascalie : aux lignes 32-33 « se
lève et se promène en se servant fortement de l'éventail », à la ligne
46, « rêvant longtemps »
suivit du propos « Sans cette constance à
me fuir…» à la ligne 46-47 dans
laquelle les points de suspension témoignent ici d'une réflexion intérieure
faite de prise de conscience et de regrets tus. C'est une femme qui apparaît
blessée et, l’adjectif « chaleur »,
aux la ligne 42-45, laisse transparaître sa détresse dans son comportement.
Nous remarquons également un champ lexical de
l'amour dans son aveu : des lignes 36 à 38, «Ah ! je l'ai trop aimé ! je l'ai lassé de mes tendresses et fatigué de
mon amour ; voilà mon seul tort avec lui ».
En parallèle cependant, on voit qu'elle
emploie le passé pour évoquer le Comte, et les participes passés comme « lassé « à la ligne 36 et « fatigué « à la ligne 37, laissent à
penser qu'elle ne se fait pas beaucoup d’illusion sur la suite de leur relation.
Elle semble assez fataliste et lucide avec
une proposition brève « Il ne m'aime plus du tout ». Sa colère est tourné vers le Comte et les
hommes en général avec des généralisations qu'elle utilise à propos du Comte : «
Comme tous les maris « à la ligne 35,
« Les hommes sont bien coupables ! «,
à la ligne 47, ce qui souligne l’ingratitude masculine qui s’oppose à la
loyauté féminine et qui suscite une colère
3.
Femme
sensible
Elle est également troublée
à cause de l’émotion causée par Chérubin.
Curieusement c'est la Comtesse
qui, au début de la scène, va orienter la conversation sur Chérubin et donc qui
va engendrer une parenthèse dans le sujet grave : à la ligne 7 « Et le petit page était présent ? ».
A l’image de son attitude envers le Comte,
Roseline éprouve pour Chérubin, bien plus de sentiments qu'elle ne peut ou ne
veut l’admettre. De nombreux points d'interrogation témoignent de son vif
intérêt pour ce que dit Suzanne : « pourquoi de pas s’adresser à moi-même ? est-ce que je l’aurais
refusé ? », « Est-ce
que j’ai cette air-là, Suzon ? ».
Elle apparaît complaisante et attendrie avec
un lexique affectif pour désigner Chérubin « le
petit page »
ligne 7, « quelle enfance? »
ligne 19.
L’allusion
à son ruban, à
à la ligne 19, « Mon ruban ? » met
en évidence qu’elle a compris la nature des sentiments de Chérubin et cela ne
la dérange pas. Elle est en pleine méditation sur le page avec la didascalie « rêvant » répété à deux reprises, aux
lignes 23 et 28.
Son attitude nous étonne car il est contraire
à l’attitude qu’une femme de son rang devrait avoir. Néanmoins, cette attitude
ambiguë de la Comtesse fait toute la profondeur de son personnage : à la ligne
28, « Laissons… laissons ces folies… »
nous poussent à nous demander si les folies évoquées sont les siennes ou celles
de Chérubin et les points de suspension entretiennent habilement l'ambiguïté.
Son
amertume vis-à-vis de son mari est attendrie avec le sujet de Chérubin. Il
permet à cette dernière de reprendre le contrôle d’elle-même après son
impatience du début.
Cette
scène permet à Beaumarchais de montrer le beau portrait d’une femme bafouée en
colère, d’une femme vivante et contrasté du début à la fin.
II.
Le duo Formé par la comtesse et Suzanne
1.
La
relation maitresse / servante
La relation de maitresse servante est tout
d’abord explicité par le jeu du tutoiement de la comtesse envers Suzanne « te
séduire? » à la ligne 4, « par te dire » ligne 29
et le vouvoiement qui est utilisé par
Suzanne envers la Comtesse : « votre
ruban » la ligne 17.
Tout le long de la discussion Les désignations
qu'utilise Suzanne montrent bien son respect pour les
classes supérieurs et son infériorité sociale : « Madame », à la ligne 5, « Monseigneur », « sa
servante », ligne 6, pour se désigner.
De plus, c'est
toujours la Comtesse qui mène la conversation et qui
pose les questions réorientant la conversation d’abord sur le Comte, puis sur
le Page, puis de nouveaux sur le Comte. Suzanne ne faisant qu'y répondre, ce qui montre qui
dirige : nous le voyons avec l’utilisation d’impératif
« conte-moi » à la ligne 2, avec
les points de suspensions qui sont équivalent
à un ordre de parler : « mon époux a fini
par te dire ?…», à la ligne 28-29.
Enfin dans le jeu théâtrale,
les didascalies montrent cette relation maîtresse / servante avec la Comtesse
est allongé pendant une grande partie de la scène alors que Suzanne est débout.
2.
La
relation maîtresse / confidente
Suzanne
entretient une relation maitresse servante mais aussi une relation maitresse confidente nous est implicite même s’il y a un écart social
entre eux.
Tout
d’abord, cela est mis en évidence avec l’emploie de diminutifs affectueux
employés par la comtesse comme « Suzon »
ligne 23, « ma chère »
ligne 35. Elle semble oubliée qu’elle s’adresse à une servante
Le
sujet de la conversation met également en évidence cette complicité : en
effet ce secret d’adultère n’est pas un sujet indiscret évoqué à tout le monde.
Suzanne
cherche à se mettre en retrait pour le bien de la Comtesse avec la rectification à l’interrogation de la Comtesse :
aux lignes 5 à 6, « Monseigneur n’y
met pas tant de façons avec sa servante : il voulait m’acheter ». Elle se présente comme un simple
objet de désir et non un objet de passion.
Ensuite,
quand elle rapporte la scène qui s’est déroulée avec Chérubin, elle apparait
comme le messager fidèle à sa maitresse. Grâce à un vocabulaire de l’absolu
« conte-moi tout » ligne 2
et « je n’ai rien à cacher »
ligne 3 témoigne d’une confiance mutuelle son accord avec sa maitresse. Il y a un sens de respect entre
ces deux femmes s’opposant au contexte misogyne qui postule que les femmes ne
sont pas capables de s’entendre entre elles
En parallèle
à cette fidélité, on remarque une certaine espièglerie qui caractérise
traditionnellement au théâtre les servantes. Elle rapporte l'épisode avec
Chérubin, dramatisant avec malice la situation. Cette mise en abyme permet à la Comtesse
d’être pris dans le spectacle et de mieux aiguiser les sentiments de la
Comtesse : avec les points d'exclamation et les phrases nominales qui ne
donnent que plus de force à l'admiration de Chérubin pour la Comtesse :
aux lignes 12-13, « mais ces regrets
de partir et surtout de quitter Madame ! » ; avec l’hyperbole,
« c'était un lion ; ses yeux
brillaient » aux lignes 20-21. Elle retient volontairement que les
propos susceptibles de toucher la Comtesse : « Tu ne l'auras qu'avec ma vie », à la ligne 21. En même temps,
elle montre ironiquement qu'elle n'est pas dupe du jeu qu’elle mêne, avec un
contraste ironique à l’évocation du lion avec l’énumération : « en forçant sa petite voix douce et grêle »
ligne 23. Cependant la comtesse ne se laisse pas aller à la jalousie, elle est
loyale « Laissons… » ligne
28.
Le cadre
favorise la mise en œuvre de cette relation privilégié avec les accessoires
féminins et la porte qui est fermée dès le début et qui symbolise une volonté
d’intimité féminine rassurante pour les deux.
Conclusion : la Comtesse apparait
comme une femme honnête c’est-à-dire une femme loyale, sensible digne. Ce
personnage, malgré sa position désagréable de la femme trompé, n’est à aucun
moment ridiculisé et elle forme avec Suzanne, la femme de chambre, un duo
soudé. L’intérêt de cette scène est avant tout d’ordre psychologique avec une
comtesse éprouvant des sentiments complexes et ambigus qui risquent de
compliquer la suite de l'intrigue.
Ce
duo crée également un contraste avec le duel permanent entre le Comte et
Figaro.
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