Introduction :
Voltaire
est un philosophe du 18e siècle et Micromégas est un conte philosophique qu'il
a offert à Frédéric II, roi de Prusse en 1752. Le conte philosophique
appartient au genre de l'apologue (un court récit qui mené a une morale).
Voltaire a aussi écrit Zadig, Candide, L'ingénu.
Micromégas met en scène un géant banni de sa planète Sirius parce qu'il a
publié un livre scientifique jugé hérétique. Micromégas va de planète en
planète, il est un double des philosophes des lumières, car eux aussi étaient
menacés par la censure, Micromégas incarne leurs idées. Voltaire a voyagé en
Prusse. Quand le chapitre commence, il arrive sur Terre avec le « nain »
de Saturne, mais il est tout de même géant (Micromégas : 32km ; Nain de Saturne
: 2km). Micromégas pense que la planète est inhabitée, mais ils finissent par
apercevoir une baleine et un bateau sur la mer Baltique.
Problématique : Comment Voltaire joue-t-il de l'aspect
plaisant du conte pour critiquer l'anthropocentrisme et défendre la notion de
relativité ?
I/ Une fiction plaisante
1/ Les ingrédients du conte
Micromégas
appartient à l'univers du conte. Il est confronté à des rencontres et en tire
un enseignement, ici il s'agit d'une rencontre avec l'espèce humaine. L'humain
devient un personnage minuscule. La première phrase est longue, il y a de
nombreuses virgules, de nombreux compléments de manière, de proposition : cela
mime les précautions que prend le géant pour prendre le bateau, et retardement
du moment où Micromégas va voir les hommes : le lecteur attend avec intérêt la
réaction du géant. Le microscope a un aspect merveilleux : diamant géant, la
métamorphose des objets du quotidien fait partie du conte. En 1736-1737, il y a
eu une expédition commandée par Louis 15 et dirigée par le scientifique
Maupertuis selon les indications de Newton. Voltaire ancre son conte dans
l'histoire et se plaît à mêler l'imaginaire et la réalité.
2/ L'humour du récit
L'omniscience
du narrateur lui permet de mêler tour à tour le point de vue du géant, celui
des matelots et les commentaires du narrateur. Le narrateur désigne le bateau
par des périphrases, par des termes génériques : ligne 1 « l'objet »
ligne4 « un animal ». Le point de vue du géant est plaisant : « chatouillement ».
Il y a un contraste entre la puissance du géant et la vulnérabilité de l'homme
: « quelque chose qui lui chatouillait les doigts », « bâton
ferré » « enfoncé du pied ». Ligne 6, le comique de situation
par le point de vue des matelots : « qui s'était cru enlevé par un ouragan »
: disproportion entre la peur des matelots et ce qui leur arrive. Le narrateur
intervient à la première personne pour commenter le récit, on pourrait croire à
une précision scientifique (proportions chiffrées), mais il s'agit d'ironie dès
l'annonce sur la vanité. Ligne 15 en supposant que la vanité existe.
Puis
pour remettre, les humains ont leur vraie valeur. Voltaire divertit son lecteur
pour qu'il adhère à sa critique. Voltaire feint de ne pas faire exprès d'être
un peu critique et cruel : technique de persuasion.
Transition
Ce
cadre de la fiction plus la tonalité humoristique crée un terrain propice à
l'argumentation. Le lecteur est séduit, il est donc plus ouvert à la critique
or celle-ci porte sur les frontières physiques de l'humanité. C'est à dire sur
la relativité de la place de l'homme dans l'univers. C'est donc à une autocritique
que le lecteur du 18ème est invité.
II/ Une réflexion philosophique sur la
relativité des perceptions
1/ La petite taille de l'humanité
Le
nom de Micromégas annonce la relativité des choses de par son origine
étymologique. L'homme est petit, car Voltaire prend ce géant comme mesure de
référence. L'homme est petit de façon explicite : ligne 12 « petit animal »,
ligne 14-15 « aussi imperceptible » : l'homme n'est pas digne d'être
perçu. Le pluriel n'y change rien : « que des hommes » l'homme est
invité à considérer les frontières de son espèce. L'importance de l'homme est
relativisée. « Petite remarque » est à la fois un euphémisme et une
hypallage c'est-à-dire que ce n'est pas la remarque qui est petite, mais
l'homme. Comparaison chiffrée ligne 17-19 pour que le lecteur se rende compte
des proportions, ce qui implique une hiérarchie dans laquelle l'homme n'est
quasiment rien. Inversion de rapports : Maupertuis était parti mesurer le nord
et c'est lui qui est mesuré.
2/ L'homme objectivé (transformé en
objet d'étude)
Théorie
datant du 13ème dans la Somme de St thomas dans lequel il est
écrit que l'univers a été fait pour l'homme. Mais Voltaire est contre cette
théorie, il animalise l'homme, il est même réifié (transformé en chose), car il
se trouve de l'autre côté du microscope. Micromégas se prend pour une sorte
d'entomologiste. Voltaire projette l'idée que « l'animal » aurait
piqué Micromégas. Les hommes qui déchargent le bateau font penser à une colonie
de fourmis. Le rythme ternaire ligne 23-24 fait penser à une pantomime, la
brièveté des propositions accélère le mouvement. L'homme semble conçu pour
réaliser des tâches mécaniques. Ligne 20 « ces petites machines » est
une périphrase réductrice au niveau de la taille de l'humain, mais aussi de sa
nature : dépourvu d'esprit. Micromégas est émerveillé : point d'exclamation ligne
21-22 par la crainte de perdre des « objets si nouveaux ». Ces
réactions confèrent à l'espèce humaine un aspect précieux. Le chapitre se
termine sur une touche d'humour grivois, égrillard. Voltaire veut créer un
effet de chute, il veut faire passer le lecteur du sourire au rire, pour
emporter son adhésion (ligne 26-27). Le style direct accentue la naïveté du
nain et renforce l'effet comique : occasion d'une critique plus sérieuse, d'une
démarche intellectuelle. Le nain a raisonné de façon empirique. Les lumières
dénoncent les conclusions empiriques et militent pour une vérification des
observations. L'écho est censé raisonner : Voltaire passe du « il »
du personnage au « on » général. On peut voir dans ce texte une expérimentation
scientifique et littéraire.
Conclusion
Ce
conte explore le style philosophique et contient les prémices de la
science-fiction : il est aussi scientifique de par sa dimension expérimentale :
que penserait un géant en regardant la Terre ? C’est une prise de hauteur au
sens propre et figuré (changement de point de vue) ayant pour but d'inviter le
lecteur européen à prendre conscience des frontières de son savoir. En 1721, on
usait déjà de ce point de vue de relativité : Les voyages de Gulliver,
Jonathan Swift : Gulliver est un objet de curiosité pour les géants de
Brobdingnag et critique la politique anglaise : satire politique.