Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal,
« Tableaux parisiens », « Paysage », 1857
Baudelaire,
né en 1821 et mort 1867, est considéré comme « le plus grand poète du XIXe
siècle ». Il publie en 1857 Les Fleurs du mal, un recueil qui constitue
un coup de tonnerre dans la poésie, qui a marqué son époque et qui a inspiré
plusieurs poètes. Le recueil est divisé en plusieurs sections. L’une d’entre
elle est appelée « Tableaux parisiens ». L’extrait étudié, « Paysage » est le
poème liminaire de cette section. Il constitue une ouverture à l’ensemble de la
section où le poète donne à voir sa démarche. Comment passe-t-on du «Tableau
parisien » au monde idéal/au paysage intérieur du poète ? Pour
traiter cette problématique, nous suivrons les mouvements principaux du texte à
savoir le tableau parisien des vers 1 à 8, la féérie céleste des vers 9 à 15 et
le paysage intérieur des vers 15 à 26.
I.
Le tableau parisien des vers 1 au vers 8
1.
Un
tableau.
Le
titre de la section et le titre du poème appartiennent au vocabulaire de la
peinture. En effet, le paysage est un genre pictural particulier en peinture.
Le
paysage décrit par Baudelaire est entouré d’un cadre constitué par la fenêtre
de la « mansarde » (vers 5 et vers
10).
Le tableau
est dominé par des lignes verticales : vers 7 « Les tuyaux, les clochers, ces mâts de la
cité » dans lequel le regard du spectateur est d’abord plongeant (vers le
bas) puis il s’élève progressivement vers le ciel.
2.
Les
éléments du décor urbain.
Baudelaire
cite 2 éléments qui renvoient à la modernité de la ville et l’activité
économique :
-
« l’atelier » vers 6 et « Les tuyaux » vers 7 nous ramènent
respectivement au monde artisanal et industriel (ouvriers masculins et
masculins).
-
« les clochers » vers 7,
représentent le passé, la tradition, la vie spirituelle de la cité.
Il
suffit à Baudelaire de trois éléments pour rendre compte de la complexité et de
la richesse de la réalité urbaine. Mais surtout il va créer un tableau qui mêle
la vision poétique de la ville.
3.
La
vision poétique de la ville
Les
éléments de modernité sont poétisés.
L’atelier
est personnifié : vers 6 « l’atelier
qui chante et qui bavarde ». Il devient un espace vivant, animé,
joyeux qui s’oppose à la réalité urbaine.
Il y a
une métaphore qui assimile au vers 7 « Les
tuyaux » et « les clochers »
(les comparés) à « ces mâts »
(le comparant). Elle transforme la ville en un gigantesque navire où se
confondent le fixe et le mouvant, la terre et la mer, le matériel et le
spirituel.
De
plus, le vers 4 souligne cette atmosphère poétique qui existe dans la ville
elle-même grâce aux hymnes avec l’allitération en –s qui donne de la fluidité
et de la douceur aux vers : « Leurs
hymnes solennels ».
La
réalité urbaine apparait déjà comme une réalité poétique grâce à l’écriture de
Baudelaire.
II.
La féérie céleste des vers 9 au vers 14
1.
La
transition entre les 2 tableaux.
La
transition entre les deux tableaux est progressive puisque au le vers 8 le
regard du poète se fixe sur les « grands ciels
», ce qui est à la fois poétique et picturale. En effet, le mot « ciels » employé ainsi au pluriel
appartient au vocabulaire de la peinture. Il introduit le second tableau. De
plus, il traduit l’immensité et la diversité de l’espace décrit.
Au
vers 9, deux éléments renvoient encore à l’espace urbain d’où l’idée de
transition. « La lampe à la
fenêtre » au vers 10 et « Les
fleuves de charbon » au vers 11 permettent au poète à travers une
métaphore d’évoquer la fumée des ateliers. Cela poursuit le lien entre l’espace
urbain et l’espace céleste, un lien d’abord établit grâce aux tuyaux puis qui devient
de plus en plus immatériel et qui finit par se dissoudre dans le ciel d’où
l’évocation de cette féérie céleste.
2.
La
féérie céleste.
Les
éléments célestes appartiennent au vocabulaire du tableau : « brumes » vers 9, « étoile » vers 10, « azur » vers 10, « firmament » vers 11, « lune » vers 12. Ces termes
soulignent la magie du crépuscule urbain avec un jeu de contraste entre la
lumière vive de l’étoile qui semble répondre à la lampe, à la lumière plus
diffuse de la lune et aux ombres créées par la lune.
De
plus, le charme du spectacle est souligné par les sonorités liquides avec
l’allitération en –l, vers 10 « L’étoile
dans l’azur, la lampe à la fenêtre » et par les enjambements (un
rejet) aux vers 9 à 10 et aux vers 11 à 12 qui mettent en valeur le mot étoile.
Ces enjambements participent à l’harmonie et à la fluidité des vers qui
s’étendent sur 24 syllabes.
De
cette contemplation du ciel, nous allons passer à un troisième tableau.
III.
Le paysage intérieur/monde idéal des vers 15 à 26
C’est
un paysage idyllique qui charme tous les sens.
1.
Transition.
La
transition avec le tableau précédent est progressive. Elle s’opère des vers 13
à 15 et marque nettement la rupture avec le monde extérieur : « Je verrai les printemps, les étés, les
automnes ; / Et quand viendra l’hiver aux neiges monotones, / Je fermerai
partout portières et volets »
Le
tableau, qui va être décrit ensuite, est celui d’un paysage intérieur. Les
verbes employés comme « verrai » au
vers 9 ne sont plus les mêmes, ils s’opposent aux verbes comme « rêverai » au vers 17, « serai plongé » au vers 23. En effet, la
perception se distingue de l’imaginaire.
De
plus, la fin du passage avec une série de verbe à l’infinitif indique que le
monde décrit précédemment est une création du poète : « D’évoquer », au vers 24, « De tirer » et « de faire » au vers 25.
2.
Composantes
du tableau.
Le
paysage correspond plus à un décor qui se caractérise par sa luxe, sa douceur,
sa perfection : « des jardins,
des jets d’eau pleuvant dans les albâtres » au vers 18, avec une
métonymie à « albâtres »
qui renvoient à la fontaine, mais aussi « des oiseaux chantant » au vers 19.
Ce
décor décrit également une nature idéal maîtrisée par l’Homme, qui satisfait
les sens : comme la vue avec les « horizons
bleuâtres » au vers 17, l’ouïe avec « les
oiseaux » aux vers 19, le toucher avec « des jets d’eau » au vers 18 et la « tiède atmosphère » au vers 16.
C’est donc un décor qui renvoi à la poésie
pastorale / idyllique.
3.
Le
rapport entre le tableau urbain et la paysage intérieur.
a. Opposition
Il y a
une opposition entre le tableau urbain, qui évoque une vie simple et modeste
voire pauvre (avec « mansarde » au
vers 5, « atelier » au vers 6) et le
paysage intérieur qui représente le luxe et qui nous rappelle un palais.
Le
monde idéal se situe en dehors de l’univers urbain. Il nous présente une nature
domestiqué. Néanmoins c’est aussi un univers d’où a totalement disparu toute
référence aux autres Hommes, ce qui s’oppose à l’ « atelier » rempli d’ouvriers féminins
et masculins.
b.
Les liens
Cependant
il existe des liens entre ces deux mondes, comme la musique (« hymne » au vers 5, « chante » au vers 6 et « oiseaux » au vers 19).
Ces
deux mondes sont également liés grâce aux piliers constitués par les « tuyaux », les « clochers », au vers 7, et la fumée qui progressivement nous ont
menés de la réalité à l’idéal.
On a
une impression de vie et d’harmonie dans les deux cas.
Conclusion : Baudelaire nous propose dans ce
poème une illustration du poème « Correspondances
» qui nous révèle que a création poétique peut se nourrir soit de la réalité
extérieure, du monde moderne de la ville, soit de trouver sa source dans
l’imaginaire pur du poète.
Analyse globale
Etude
d’ensemble :
le poème est composé :
-
d’alexandrins
-
de
rimes plates
-
d’un
huitain puis d’un groupe de 18 vers
C’est une forme plutôt académique
Sujet : Paysage urbain mais le titre
aurait pu être au pluriel car il décrit un paysage urbain de Paris (Tableau
parisien) à partir de son toit (« mansarde ») dans une première
partie ; le regard va s’élever vers le ciel, donc une deuxième partie il
décrit le ciel parisien ; enfin dans la troisième partie, il décrit un
paysage imaginaire / idéal. On passe au paysage idéal par l’intermédiaire du ciel.
Vocabulaire :
Hymne : chant adressé aux dieux.
Portières : rideaux devant une porte.
Albâtres : pierre blanche précieuse pour
faire des fontaines.
Firmament : ciel, voute céleste.
Chastement : modestement, pudiquement.
bon comments
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