Baudelaire, Les Fleurs du Mal, « Paysage »
Baudelaire,
né en 1821 et mort 1867, est considéré comme « le plus grand poète du XIXe
siècle ». Il publie en 1857 Les Fleurs du mal, un recueil qui constitue
un coup de tonnerre dans la poésie, qui a marqué son époque et qui a inspiré
plusieurs poètes. Le recueil est divisé en plusieurs sections. L’une d’entre
elle est appelée « Tableaux parisiens ». L’extrait étudié, « Paysage » est le
poème liminaire de cette section. Il constitue une ouverture à l’ensemble de la
section où le poète donne à voir sa démarche. En quoi ce poème peut-il être
considéré comme un art poétique ? Pour répondre à cette question,
nous verrons tout d’abord, la situation du poète dans le monde, puis nous
étudierons les fonctions du poète.
I. La situation du poète dans le
monde :
1. La
situation matérielle du poète est suggérée par « la mansarde » (vers 5) qui désigne un logis exigu et pauvre. En
même temps, la mansarde situe le poète en hauteur par rapport aux autres hommes
comme si la pauvreté matérielle était la condit ion de l’élévation spirituelle
nécessaire à la création po é tique.
2. Le poète est isolé : aucune
allusion à des individus. La présence humaine est suggérée seulement par la
synecdoque « l'atelier » et l'allégorie
« L'Emeute ». Plus le poème avance, plus
le regard du poète s'éloigne du monde des hommes : vers 15.
II. Les fonctions du poète :
1. Dans ce poème, Baudelaire exclut
l'engagement: vers 21-22. L'allégorie de « l’Emeute » fait allusion aux révoltes populaires qui ont
jalonné le 19ème siècle. Baudelaire a participé aux journées de 1848
mais le désenchantement qui a suivi le coup d'état de Louis-Napoléon Bonaparte
en 1851 semble l'avoir détourné de la politique. Quelles qu'en soient les
raisons, Baudelaire exprime ici un rejet de la conception romantique de Victor
Hugo, par exemple, selon laquelle le poète est investi d'une mission auprès du
peuple et doit s'engager (Victor Hugo, Châtiments). L’allitération en t crée un crépitement qui
peut évoquer le bruit des balles.
2. En revanche, comme chez Hugo, le
poète se caractérise ici par l’acuité de ses sens : le poète est celui qui sait
écouter (vers 3), le poète est un voyant (vers 6, 9, 13) Le poète a une
sensibilité particulière qui lui permet de saisir ce qui échappe au commun des
mortels (les correspondances horizontales, notamment). Le poète est aussi
comparé à l’ « astrologue » :
il sait déchiffrer
des signes incompréhensibles pour les autres hommes.
3. Ce qui définit cependant mieux
encore le poète, c'est sa capacité à rêver un monde. Le verbe « rêver » est employé 3 fois dans le
poème :
-
la 1ère fois, il est associé au verbe de perception « écouter » (vers 3). La perception seule ne suffit pas, c'est l'imagination
qui permet la création (la réalité perçue mène au rêve qui mène à l’œuvre).
-
au vers 8 le verbe « rêver » est
associé à la perception visuelle « je
verrai ».
-
au vers 17, la perception disparaît, ne subsiste plus que le rêve.
Ainsi,
le poète est un démiurge (dieu qui crée un monde avec ses mots), sa principale
fonction est de créer un monde :
-
Le poète sait voir les symboles qui, dans le monde réel, nous font signe vers
une autre réalité (« les tuyaux », « les c1ochers »)
-
Aux vers 24 - 26, la série de C.D.N. constituée d'infinitifs « d'évoquer », « de tirer de mon cœur », « de
faire de mes pensées » révèle que le poète est capable de créer un monde à partir
seulement de ses propres facultés (la volonté, la sensibilité, les pensées). Le
poète est donc un démiurge autosuffisant capable de créer un monde indépendant
du monde extérieur.
Conclusion : « Paysage » peut être considéré comme un art poétique. On y
sent encore l'influence romantique (II. 2. et 3.). Toutefois Baudelaire invente
une poétique nouvelle en rejetant l'engagement et en insistant sur la nécessité
pour le poète de créer son propre univers, son « Idéal ». L'intérêt de ce poème est aussi de mettre en œuvre la
démarche créatrice en évita nt la raideur d'un exposé théorique.
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